Comment est organisé un centre municipal de santé ?

Pour un patient, il n’y a pas de différence fondamentale entre la consultation d'un médecin salarié et celle d'un médecin libéral. Les patients du centre municipal de santé de Batz ont pu le constater. Pour les médecins salariés, une consultation est obligatoirement au tarif conventionné du secteur 1 (26.5 € depuis le 1er novembre) et le tiers payant est obligatoire pour la part de la sécurité sociale. Pour les médecins salariés, c’est la commune qui décide du tiers payant pour la part des mutuelles et qui organise les créneaux de consultation sans rendez-vous pour les urgences, la participation des médecins au système de garde (16 % seulement des libéraux y participent) et les conditions de visites à domicile pour les patients ne pouvant se déplacer. Un centre municipal de santé est un service municipal spécifique qui doit être organisé avec rigueur pour bien gérer toute la complexité du domaine médical. Une approche intercommunale peut être intéressante.

1 - Le zoom sur 9 centres municipaux de santé éclaire sur 3 points

1.1 -  Mixité des exercices salarié et libéral

2 centres municipaux de santé sont installés dans des bâtiments communaux partagés entre le centre municipal de santé et des médecins libéraux : L’Huisserie où cette mixité est ancienne et Saint Brévin où elle est prévue dans le nouveau bâtiment en cours de construction. Les centres de santé de Fresnay sur Sarthe et de Fyé, ayant fait l'objet d'un article dans l'édition du14 octobre 2023 de Ouest France, présentent également cette mixité.

Accessoirement, on peut noter que la plupart des centres municipaux de santé accueillent des médecins stagiaires, dont des internes en médecine en stage long.

1.2 - Nouvelles formes de collaboration entre médecins et autres soignants

Dans ces centre municipaux de santé, aucun IPA (infirmier en pratique avancée) ne semble présent. Batz sur Mer vient cependant de décider en octobre 2023 d’embaucher un IPA.

Par contre, 2 centres municipaux de santé (Saint Quay Portrieux et Plérin) disposent d’infirmières à temps partiels en dispositif Azalée : prise en charge des maladies chroniques en médecine de ville avec délégations d'actes ou d'activités des médecins, moins importants que ceux possibles pour les IPA. Il n’est pas indiqué si ces infirmières étaient salariées du centre municipal de santé ou exerçaient en libéral en coopération avec le centre municipal de santé.

1.3 - Intercommunalité

Actualisé en mai 2024

Ces centres municipaux de santé sont le plus souvent portés par des communes même si les patients viennent en grande partie de l’extérieur de la commune. Cependant, les investissements immobiliers bénéficient de subventions des intercommunalités.

Dans 2 cas (Le Sourn et La Ferté Bernard), le portage est remonté après quelques années à un syndicat à vocation unique ad hoc, rassemblant quelques communes intéressées, plutôt qu’à la communauté de communes. Dans un autre cas (Saint Quay en Portrieux), la création d’une antenne du centre municipal de santé dans une commune voisine s’est faite par simple convention entre les 2 communes.

Dans de nombreux cas, des discussions sont en cours pour déterminer ce que pourrait être le rôle de l’intercommunalité.

Compte tenu de la perspective d’un projet mutualisé entre les communes du Croisic et de Batz sur Mer, des recherches complémentaires sur internet ont permis de rassembler des informations supplémentaires qui pourraient servir de références pour les discussions à venir entre les 2 communes :

  • Centre de santé de Le Sourn : l’arrêté préfectoral de création du syndicat intercommunal à vocation unique Sarre – Blavet Santé est disponible sur internet, de même que le pacte financier liant les communes de Guern, Le Sourn, Malguénac, Melrand et Saint Thuriau ; les charges financières sont partagées au prorata du nombre d’habitants pour le fonctionnement courant ; lors de l’ouverture d’une antenne du centre de santé, la commune hébergeant l’antenne contribue à un fonds d’amorçage d’investissement et à un fonds d’amorçage de fonctionnement pendant 3 ans,
  • Centre de santé de Saint Quay en Portrieux : la création d’une antenne sur la commune voisine de Plourhan a été autorisée en avril 2022 par l’Agence Régionale de Santé ; une convention entre les communes de Saint Quay Portrieux et Plourhan, non disponible sur internet, constitue le cadre juridique sans création de structure intercommunale ; d’après un article de presse le coût pour Plourhan serait de 20 000 à 30 000 € par an ; une contribution de 10 000 € a déjà été versée pour les premiers investissements ; l’antenne est donc prête à accueillir un médecin dont la recherche n’a pas encore abouti début 2024 ; toujours d’après la presse, l’autorisation ARS donnée en avril 2022 donne une dérogation pour 37h par semaine au-delà d’une limite réglementaire de 20h (la nature de cette limite réglementaire est à préciser car il existe ailleurs des centres publics multisites beaucoup plus importants),
  • Centre de santé de Plérin : début 2024 l’Agence Régionale de Santé a donné son accord à la création d’une antenne sur la commune voisine de Trémuson, malgré l’avis très réservé de la Chambre régionale des comptes ; le cadre juridique n’est pas disponible sur internet,
  • Fosses et Marly la Ville : créé en 1986 par ces 2 communes, le syndicat intercommunal à vocation multiple, le SIFOMA, gérait initialement un cinéma, depuis transféré à une communauté de communes, et la gestion d’une route départementale ; depuis 2019, il gère aussi un centre de santé situé à Fosses ; un 2ème site du centre de santé est prévu à Marly la Ville ; la gestion du SIFOMA est entièrement assurée par les services municipaux de Fosses ; le budget d’investissement du SIFOMA a assuré la construction du centre de santé avec un endettement de 800 000 € ; en 2022, chaque commune a contribué à hauteur de 175 000 € au budget du SIFOMA, principalement pour le centre de santé, d’après un rapport d’activité disponible sur internet,
  • Saint Brieux et Trégueux : en janvier 2024, ces 2 communes ont ouvert un centre de santé intercommunal, dans le cadre juridique d’un GIP ou groupement d’intérêt public, dont la convention organisatrice est disponible sur internet ; dans un 1er temps, 2 médecins sont embauchés par chaque commune puis mis à disposition du GIP ; à terme, il est prévu 8 médecins,
  • Salas : les 3 communes de Arrancourt, Boissy-la-Rivière et Guillerval ont d’après la presse donné en 2022 leur accord pour participer aux couts du centre municipal de santé de Salas ; suite donnée non disponible sur internet
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2 - D'autres enseignements peuvent être tirés d'une étude nationale

Cette étude est un rapport de 2021 de l’institut Jean François Ray, de la Banque des Territoires et de la Caisse des Dépôts sur la dynamique de création des centre de santé sur le territoire français entre 2017 et 2021 (désigné par "le rapport" dans la suite du texte).

Le rapport insiste sur le fait que le développement d'un centre municipal de santé est pour une commune un engagement financier, car l'équilibre n'est pas garanti, mais surtout un défi technique dans un domaine éloigné des compétences des fonctionnaires municipaux.

Au quotidien, pour le recouvrement et la gestion comptable liée au tiers payant de base ou intégral et malgré les progrès des plateformes informatiques dont aucune n'est parfaite, il reste nécessaire de faire un pointage quasi manuel et une vérification préalable des droits des patients, surtout pour certaines mutuelles. A défaut les rejets définitifs de demandes de paiement à la Sécurité Sociale ou aux Mutuelles peuvent impacter significativement les recettes.

Et contrairement à la phase de création du centre de santé où les équipes municipales peuvent se faire accompagner par une structure telle que FabCds (émanation de la fédération nationale des centres de santé) pour la mise en place des financements de la CPAM, elles sont seules pour ces tâches quotidiennes. Or, de par leur travail habituel, ces équipes municipales ne sont pas sensibilisées à la gestion des recettes, à fortiori de recettes techniquement complexes.

L’organisation du travail des médecins est également un défi managérial à relever par le médecin coordonnateur et le gestionnaire municipal, par exemple pour

  • Définir puis adapter au fil de l’expérience la répartition entre consultations sur et sans rendez-vous ainsi que la durée prévisionnelle des consultations,
  • Impliquer les médecins dans le respect des durées prévisionnels de consultation,
  • Prévenir les rendez-vous non honorés,
  • Organiser les remplacements pendant les congés,
  • Définir puis adapter au fil de l’expérience la participation des médecins au système non obligatoire de garde (PDSA ou permanence de soins ambulatoires),
  • Définir puis adapter au fil de l’expérience les conditions de visites à domicile.

Ce sont probablement les lacunes possibles de certains centres de santé en la matière qui expliquent les écarts de productivité observés dans le zoom.

Les pratiques innovantes restent balbutiantes :

  • Le protocole Asalée, datant de 2004, a pour objectif d'améliorer la prise en charge des maladies chroniques par une coopération entre infirmiers et médecins généralistes. Il concerne deux dépistages et deux suivis de pathologies chroniques. Une minorité de centres de santé a commencé à le développer,
  • Le statut d’infirmier en pratique avancée, qui date de 2019, est encore plus innovant et ne semble pas avoir encore été utilisé par des centres municipaux de santé, hors de protocoles expérimentaux très spécifiques.

Lors de la création d’un nouveau centre municipal de santé, il ne faut envisager de telles pratiques que dans une 2ème étape éventuelle après l'embauche des médecins pour les associer à la conception de cette 2ème étape.

Le rapport mentionne également quelques points intéressants :

  • les cas de fonctionnement mixte avec médecins libéraux et médecins salariés d'un centre municipal de santé dans le même bâtiment, déjà repérés dans le zoom,
  • l'embauche sur cadre contractuel d'un médecin par un centre municipal de santé doit passer d'abord par 2 CDD de 3 ans avant de pouvoir passer à un CDI,
  • le ratio de secrétaire par soignant varie de 0.5 à 0.75, ce qui est cohérent avec les observations faites dans le zoom.