Les comptes de Saint Quay Portrieux et Batz sur Mer sont cohérents avec les données nationales. Celles de Plérin affichent des recettes CPAM plus faibles que ces données. Celles de Saint Brévin sont incohérentes avec ces données nationales.
2.3 - Ratios relatifs aux recettes d'un centre de santé
Les nombres de consultations par heure (c/h) des centres de santé sont 3 à 4 c/h en soins programmés allant jusqu’à 6 c/h en soins non programmés pour le rapport 1 et de 2.2 à 4 c/h pour le rapport 2. Ces ratios des centres de santé sont supérieurs à ceux des médecins libéraux qui sont de 3,15 c/h (source DREES, Doctolib) ou 3,72 c/h (source CartoSanté).
Les nombres de consultations par médecin et par an (c/an) relevé par le rapport 1 sont de 4 220 c/an pour tous les centres et de 4 533 c/an pour les centres en équilibre financiers. Ces ratios des centres de santé sont inférieurs à ceux des médecins libéraux qui sont de 5 000 c/an (source Revue du généraliste – étude IQVIA) pour 224 jours travaillés par an.
En moyenne, un médecin salarié aux 35 heures par semaine travaille moins longtemps qu'un médecin libéral mais compense partiellement en faisant des consultations plus courtes.
Les taux de rendez-vous non honorés que le rapport 1 a pu relever dans 3 centres de santé, s’établissent à 8 %, 15 % et 21 %. Le rapport 1 estime ainsi le taux de remplissage moyen des vacations offertes à 80 %. Par ailleurs, le taux de rejet, c’est à dire de paiement en tiers payant refusé par la Sécurité Sociale ou par une mutuelle, parce que la situation du patient n’est pas en règle, est en moyenne de 10 % d’après le rapport 1. Il est donc difficile de déduire du nombre de consultations le montant d’honoraires effectivement encaissés en moyenne par médecin et par an.
En prenant pour hypothèse que les nombres de consultations ci-dessus sont nets des rendez-vous non honorés et des rejets, on peut estimer le montant d’honoraires généré en moyenne par médecin et par an (sur la base de 25 € par consultation), non compris les rémunérations forfaitaires versées en sus par la CPAM, à 105 500 €/an pour tous les centres et à 113 325 €/an pour les centres en équilibre financiers. Ces ratios des centres de santé sont inférieurs à ceux des médecins libéraux qui sont de 125 000 €/an
Par comparaison, les ratios des centres de santé étudiés dans le zoom sont les suivants :
- Batz sur Mer : 100 à 120 000 €
- Plérin : 75 à 80 000 €
- Saint Brévin : 60 à 100 000 €
- Saint Quay Portrieux : 80 à 90 000 €
Il y a donc de gros écarts de « productivité » observés, entre médecins libéraux et centres de santé et entre centres de santé.
2.4 - Eclairages complémentaires de la Cour des Comptes sur les centres de santé
Le rapport public annuel de mars 2023 de la Cour des Comptes, consacré à un bilan de la décentralisation 40 après, comporte un chapitre intitulé « Mieux coordonner et hiérarchiser les interventions des collectivités territoriales dans l’accès aux soins de premier recours ». La Cour des Comptes a développé son analyse dans son rapport thématique de mai 2024 relatif à l’organisation territoriale des soins de premier secours. Quelques éléments d’analyse des centres de santé portés par des collectivités territoriales sont repris ci-dessous.
Le rapport de 2023 mentionne que l’Etat souligne l’intérêt des centres de santé porté par des collectivités locales dans les déserts médicaux et que l’Assurance Maladie les soutient financièrement, cf. extrait page 528 :
« Les Pactes santé territoire ou le plan d’actions qui leur a succédé (dispositif du ministère de la santé) soulignent l’intérêt de ces centres (les centres de santé) dans des zones où les difficultés d’accès aux soins sont telles qu’elles découragent l’installation de professionnels libéraux, même aidés. L’État n’intervient ni directement, ni, sauf exceptions, indirectement dans la création de ces centres : il laisse les collectivités créer des centres ou, parfois, soutenir la création de centres par des organismes privés non lucratifs, dans les territoires qui connaissent des difficultés prononcées d’accès aux soins. Il s’efforce, en amont, de favoriser leur création, en particulier celle des centres médicaux et polyvalents, et l’Assurance Maladie soutient en aval leur fonctionnement sur le plan financier.
Ce rapport de 2023 estime que les « centres de santé gérés par les collectivités territoriales sont parfois une option parfois mal maîtrisée par celles-ci, cf. extraits page 534 et suivantes :
« Dans des contextes territoriaux où la densité en médecins libéraux est très dégradée, le recours au salariat, notamment grâce à des centres de santé gérés en régie, peut être une solution. Ces centres, qui regroupent des professionnels salariés et sont soumis à un régime juridique particulier (les dépassements tarifaires y sont exclus, ils doivent s’ouvrir aux publics vulnérables, etc.) peuvent en effet constituer un « modèle » économique et sanitaire, en théorie et même en pratique. Les constats des chambres régionales des comptes mettent cependant en évidence le risque d’absence de maîtrise suffisante des coûts. » …..
« Un modèle potentiellement utile mais exigeant » ……
« Le recours à des centres de santé territoriaux se développe, comme une solution adaptée dans les zones marquées de facto par une déprise des médecins généralistes ou spécialistes, mais ce modèle peine à s’équilibrer ». …. « L’exemple de Vierzon montre pourtant que ce modèle est viable ». ….. « En indexant la rémunération des praticiens sur leur niveau d’activité, le centre a dégagé des excédents dès sa première année de fonctionnement ».
Le rapport thématique de mai 2024 précise :
« Contestée par certains conseils de l’ordre des médecins, la possibilité d’une rémunération mixte a été admise par la jurisprudence, dès lors que la part liée à l’activité ne dépasse pas la moitié du revenu des praticiens. .....Pour ce motif, d’ailleurs, les juridictions financières ont émis le souhait que soit clarifiée, à la lumière de cette jurisprudence, la possibilité d’une telle rémunération mixte pour les médecins et que puissent être ajustées les règles qui régissent leur emploi. »
Autres extraits du rapport de 2023 :
« Une efficacité atteinte, parfois, au détriment de l’efficience : l’exemple du centre de santé multisites de Saône et Loire ». ….. « En 2021, les quelques 100 000 consultations facturées par les 42,4 ETP médicaux ont représenté seulement 11,4 actes par jour et par ETP. Le coût moyen de fonctionnement du CSD par consultation s’est réduit mais le reste à charge du département par consultation (une fois déduit le remboursement de l’Assurance Maladie) demeure élevé, à 30,30 € en 2021. Contrairement au GIP de Vierzon, la rémunération des médecins du centre de santé est fixe et ne varie pas en fonction de l’activité réalisée. Par ailleurs, les ratios d’administration des six centres territoriaux sont élevés, même supérieurs à 1 s’agissant de ceux du Creusot et d’Autun, centres en cours de montée en charge il est vrai. »
« Des exemples de déploiement ni efficaces ni efficients : Châteaudun (Eure-et-Loir). « La vocation sociale du centre, implanté dans un quartier de politique de la ville, ne justifie pas la faiblesse de son activité et son coût : en ajoutant les annuités d’emprunt, chaque consultation coûte à la commune, en moyenne, 13 € en sus du remboursement et des forfaits de l’Assurance Maladie. Le nombre de consultations par jour d’ouverture, en moyenne une cinquantaine en 2020 pour cinq médecins, soit dix par praticien, reste globalement faible. »